LE PIANO SATANIQUE et onze autres récits de la revue Weird Tales by STÉPHANE BOURGOIN

LE PIANO SATANIQUE et onze autres récits de la revue Weird Tales by STÉPHANE BOURGOIN

Auteur:STÉPHANE BOURGOIN
La langue: fra
Format: epub
Tags: Collection Pulps n° 6
Éditeur: Encrage
Publié: 1988-02-15T00:00:00+00:00


C’est à peine si nous vîmes la lune de janvier, car les tempêtes de cet hiver ne nous laissèrent guère de répit et les lourds nuages nous cachèrent presque continuellement le ciel.

La pleine lune de février se dessina telle du cristal dans un ciel de glaciale luminosité. Le sol couvert de neige étincelait et les branches des arbres étaient revêtues d’un manteau de glace. Je me tenais près du feu, puis m’installais dans mon lit avec les couvertures remontées jusqu’au menton. J’étais à nouveau en proie à une terreur sans nom.

Mars arriva.

Le mois suivant nous amènerait le printemps, puis viendrait l’été. Le monde serait encore une fois plein de douceur et de gentillesse, un monde où la peur ne pourrait pas se réfugier. Et pourtant je me mis à souhaiter une répétition de mes rencontres du croisement dans les mêmes circonstances… les rigueurs de l’hiver, plutôt que le décor entièrement nouveau de la saison des jeunes pousses et de la vie qui renaissait. Ma dernière poussée de terreur irraisonnée s’était estompée et j’étais à nouveau prise par une irrésistible envie d’aventure.

S’était-il rendu au croisement lors des terribles tempêtes de janvier et lors de cette nuit blanche que j’avais passée sous les couvertures ? Serait-il là en cette prochaine nuit de pleine lune au mois de mars ?

Le printemps n’imprégnait pas encore l’atmosphère. La neige de l’hiver reposait toujours dans les creux du sol, mais ternie par les récentes pluies froides.

Le ciel nocturne était zébré de lambeaux de nuages déchirés par les vents. Le clair de lune brillait, quelque peu atténué à présent par les nuages sombres. L’air sentait la terre humide et les feuilles pourries.

Je n’allai pas chez Margaret. Je restai assise près du feu, plongée dans d’étranges rêves, tandis que la pendule égrainait lentement les heures. Petit à petit, le feu diminua d’intensité. À onze heures, mon père bâilla et partit se coucher. À minuit moins le quart, j’enfilai mon lourd manteau et sortis.

Je savais qu’il m’attendait. Ce soir, je n’avais aucun doute à ce sujet. Ce n’était pas la curiosité qui me guidait, mais un désir plus profond, une envie pour laquelle je n’avais pas de nom. J’étais comme un nageur emporté par un fort courant et qui, finalement, se voyait pris par le ressac.

L’automobile, basse et sombre, était arrêtée au croisement. Bien que cette machine semblât incarner la perfection, elle avait pour moi un aspect très particulier. Mais à cet instant un nuage se profila devant la face de la lune et je détachai mon esprit de la chose, vaguement persuadée qu’elle devait être de marque étrangère.

Puis, brusquement, je me rendis compte que, pour la première fois, l’étranger avait ouvert la portière de la voiture à mon approche.

— Nous faisons un tour ce soir, Leonora. N’est-ce pas ? Et pour quelle autre raison serais-tu sortie ce soir ?

Il avait raison. Pour la première fois, je l’avais retrouvé non pas en revenant de chez Margaret ou en allant quelque part : j’étais venu exprès par besoin de le voir.



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